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Dossier réalisé par Marie-Noëlle Borel
Pour cette nouvelle enquête en ligne, réalisée en mars dernier, nous avons reçu près de 200 réponses, et plus de 50 commentaires détaillés par messagerie privée ; voilà qui en dit long sur l’intérêt de ce sujet pour nous tous, certainement amplifié par le contexte anxiogène de confinement strict vécu depuis ces dernières semaines.
Nous vous avons interrogés sur les activités qui vous attirent le plus lorsque vous vous sentez stressés ou fatigués – en dehors de toute contrainte financière, ou sanitaire.
Nous avons au préalable identifié 7 familles d’activités (voir ci-dessus). Chaque activité devait être notée en termes d’attirance de 1 à 5 selon l’échelle suivante :
1 : je ne fais jamais ça, ça ne me parle pas, ça ne me viendrait même pas à l’idée,
5 : je le fais dès que possible, c’est un véritable besoin, ça me fait du bien.
Que nous apprennent ces résultats ?
- Les activités plébiscitées sont pour la plupart faciles à mettre en œuvre au quotidien, et visent à rétablir l’équilibre de nos besoins fondamentaux : être en relation, se reposer, se nourrir, se distraire, ou simplement marcher.
- Le top 10 des activités privilégiées ne varie guère d’une tranche d’âge à l’autre : le surf sur internet apparaît certes en plus haute position chez les moins de 45 ans, tandis que la lecture est l’activité favorite chez les plus de 45 ans, mais on retrouve partout la même attirance pour le quatuor famille/amis/musique… et manger !
Vous pensiez que le sport était une activité de jeunes ? Erreur. C’est grâce aux plus de 45 ans que le sport se faufile de justesse au classement général, car seul ce groupe d’âge l’a cité dans son top 10. - “L’art de ne rien faire” se perd…
Dans nos vies modernes, les offres de distractions n’ont jamais été aussi nombreuses. Elles sont presque illimitées, et devenues instantanées par le développement du numérique : interactions sociales sans fin par messageries ou réseaux, streaming pour les activités culturelles ou les séries, réservation d’un voyage ou d’un weekend en un clic (et à défaut, en période de confinement, on en rêve…), applis bien-être, lifestyle ou sport, tout est à portée de notre ordinateur (pour les vieux has been) ou notre smartphone (pour les jeunes branchés).
Dans ce contexte, la notion même de déconnexion revêt des significations très différentes d’une personne à l’autre.
Pour la plupart d’entre nous, se déconnecter du stress quotidien ne consiste pas à débrancher le flux, mais plutôt à « rerouter » notre attention vers d’autres activités…
- activités collectives si nous avons une préférence pour l’extraversion,
- activités individuelles si nous avons une préférence pour l’introversion.
- … mais toutes ces activités sont systématiquement orientées vers l’extérieur.
En effet, même le visionnage d’une série ou une marche solitaire en forêt – activités apparemment introspectives – sont toujours des interactions avec le monde extérieur (s’immerger dans une œuvre de fiction conçue par ses auteurs ou dans la nature).
L’art de ne rien faire – ou d’interagir seulement avec soi-même – s’éloigne donc de nos vies, dont nous semblons penser qu’elles doivent être remplies pour être bonnes. Le “cadeau de l’ennui” souvent évoqué avec nostalgie (ou amertume …) par la génération ayant vécu une enfance sans écrans, disparaît à grande vitesse de notre époque, et ce, quelle que soit la génération interrogée.
Au début de ce confinement, nous avons vu passer et repasser sur nos réseaux cette fameuse phrase de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »
Injonction à se retrouver, ou constat fataliste d’une “punition” bien méritée ?
Quels liens avec la personnalité ? Le mystérieux pouvoir de nos instincts.
Le modèle très ancien de l’Ennéagramme nous enseigne que nous utilisons tous 3 centres, à des degrés divers : un centre mental, un centre émotionnel, et un centre instinctif. Ce dernier centre – qui est en fait le premier centre par ordre chronologique de développement – comporte lui-même 3 modalités différentes, 3 préoccupations, ou encore 3 manières de « rétablir le confort et l’équilibre perdu » (Halin & Prémont).
Et ces trois instincts – ainsi sont-ils dénommés – peuvent nous offrir une grille de décryptage intéressante de nos activités favorites de déconnexion. Prenons donc quelques minutes pour présenter leurs caractéristiques.
La séquence instinctive, ou notre adaptation au monde en trois instincts
Psychologie du développement
Ces trois instincts sont présents en chacun de nous, à des degrés d’importance variables d’une personne à l’autre. Ils ont fait l’objet d’études et de recherches particulièrement riches ces dernières années parmi les experts de l’Ennéagramme, en s’appuyant notamment sur les dernières théories en psychologie du développement ou en biologie de l’évolution.
Ainsi, chacune des 9 bases de l’Ennéagramme peut être décrite et comprise encore plus finement à la lumière de sa « séquence instinctive », une sorte d’ADN de sa réactivité automatique face à certaines situations.
En effet, même si les 3 instincts sont présents dans notre patrimoine génétique, ils s’expriment selon une hiérarchie qui nous est personnelle.
Une hiérarchie personnelle
Notre personnalité dispose tout d’abord d’un instinct dit dominant, qui détermine dès notre naissance la manière dont nous allons chercher, tout au long de notre vie, à rétablir le confort perdu. Certains experts parlent de « zone d’enthousiasme » (Mario Sikora) pour cet instinct dominant : il regroupe les aspects de la vie qui nous semblent les plus essentiels, et les activités que nous préférons.
Cet instinct dominant forme, en combinaison avec la base, le « sous-type » enseigné dans la plupart des écoles d’Ennéagramme : 9 bases x 3 instincts = 27 sous-types.
Le deuxième instinct, que l’on pourrait qualifier d’auxiliaire, est utilisé moins fréquemment. Il regroupe des aspects de la vie et des activités qui nous préoccupent davantage que nous pourrions le penser, avec souvent un sentiment d’ambivalence, de manque de confiance, voire de conflit intérieur.
Le troisième et dernier instinct dans notre hiérarchie est donc le moins utilisé. Il présente des similitudes avec la fonction inférieure décrite dans la personnalité jungienne, au sens où nous y sommes généralement indifférents, et nous ne comprenons pas comment des gens peuvent
s’y intéresser ou l’explorer avec enthousiasme.
N’ayant que peu d’expérience dans l’utilisation de cet instinct, nous pouvons éprouver de l’anxiété lorsque les circonstances nous obligent à le mettre en œuvre. Mais c’est aussi le domaine qui recèlenle plus de potentiel en psychanalyse, selon les thérapeutes qui utilisent l’Ennéagramme : il est en effet décrit comme « le sous-sol de l’inconscient » (Beatrice Chestnut).
Décrivons maintenant ces trois instincts et leur lien aux activités de déconnexion. À cette occasion, peut-être pourrez-vous établir quelle est votre hiérarchie personnelle ?
Survie, Social ou Tête-à -Tête ?
L’instinct de Survie : (se) préserver
Quand il est dominant, cet instinct oriente notre préoccupation et notre réactivité sur les domaines suivants :
- le confort, la santé, le bien-être,
- la gestion et la préservation des ressources,
- la sécurité matérielle et affective.
Ainsi en situation de stress, une manière privilégiée de rétablir le confort perdu pourra être de manger, se reposer, prendre soin de son corps, pratiquer une activité manuelle visant à améliorer le cadre de vie – bricolage, rangement, cuisine, décoration – et bien entendu, se retrouver en famille.
L’instinct Social : naviguer dans le monde
Quand cet instinct domine, la préoccupation et la réactivité portent sur les domaines suivants :
- la dynamique des groupes sociaux, de la participation à l’influence (ou au pouvoir),
- les signes d’appartenance, de reconnaissance, de réputation et de statut,
- la communication, la circulation et l’échange d’informations.
Pour l’instinct Social en situation de stress, les activités privilégiées pour rétablir son confort et son équilibre pourront être de sortir avec – ou retrouver – des amis, lire, voir un film ou une série (car cela permet de s’informer sur ce qui se passe dans le monde extérieur), voyager, pratiquer un art ou un sport collectif…
L’instinct Tête à Tête : transmettre et impacter
Cet instinct est aussi appelé Sexuel dans plusieurs écoles d’Ennéagramme : en effet, la sexualité est souvent citée dans les panels comme une activité privilégiée !
Quand il est dominant, cet instinct oriente notre préoccupation et notre réactivité sur :
- l’émission et la réception de signaux visant à établir un lien exclusif avec un(e) autre,
- l’activité d’attirer l’attention, charmer, séduire, maximiser son impact,
- l’intensité, la passion, la fusion.
Pour les personnalités chez qui cet instinct est dominant, les activités privilégiées en situation de stress pourront être de se retrouver (à deux, bien entendu), mais aussi toutes les activités en lien avec la nature, ainsi que les activités de reconnexion à soi.
Ces personnes ont plus de facilité que les autres à « débrancher » leurs écrans pour mieux se retrouver. C’est donc avant tout une reconnexion intime – en tête-à-tête avec l’autre ou à soi-même.
On rencontre aussi de nombreux Tête à Tête dans les domaines de la spiritualité, où ils trouvent une connexion divine, intense et fusionnelle.
Se détendre… autrement ?
Tout travail de développement personnel se fonde sur l’identification des croyances et autres mécanismes automatiques de notre personnalité qui nous enferment dans des schémas comportementaux récurrents.
Ces mécanismes automatiques nous enferment – voire nous piègent – parce qu’ils limitent de fait nos options, notre capacité de résilience face aux événements de notre vie, et donc d’épanouissement.
Une démarche d’intégration – ou de libération progressive des mécanismes
automatiques de l’ego – est toujours propre à chaque personnalité. Il est impossible d’en prédire le rythme, mais on sait en revanche qu’elle se déroule en plusieurs étapes :
- apprendre à observer au quotidien quels centres (mental, émotionnel, instinctif) et quels instincts (social, tête à tête, survie) sont les plus fréquemment utilisés – voire sur-utilisés.
Les situations sous stress ou tension sont particulièrement riches pour observer nos réactivités naturelles ; - prendre conscience que ces programmes automatiques n’exploitent qu’une partie de nos ressources intérieures – et constater que la « détente » apportée est finalement limitée, ou de courte durée ;
- s’entraîner à utiliser les ressources négligées ou sous-utilisées. C’est là où les loisirs et distractions peuvent constituer un excellent terrain d’entraînement !
- se connecter progressivement à l’ensemble de sa configuration intérieure, pour choisir quel aspect de notre personnalité sera le plus opérant dans certaines situations.
En conclusion
Dis-moi comment tu te distrais, et je te dirai… non, pas qui tu es, mais peut-être dans quelle direction tu pourrais aller en termes de développement personnel… <∫>
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