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Connexions à soi : que nous apprennent les modèles de personnalité ?

Publié le

par Christophe Thibierge.

C’est une loi de nombreux modèles de personnalité : sous stress, nous exhibons une autre facette de nous-mêmes. Mais que pouvons-nous apprendre de ces sorties de route ?

Nos réactions sous stress peuvent prendre deux formes : soit une caricature, c’est-à-dire nos défauts habituels exagérés en négatif, soit une personnalité complètement différente de ce que nos proches voient habituellement.

Le stress nous fait souvent sortir de notre trajectoire. Mais dans ces moments-là, sommes-nous vraiment “hors de nous-mêmes”, ou au contraire, rejoignons-nous notre vraie essence ?
Une manière de répondre consiste à analyser ces différents processus sous l’angle de la connexion et de la déconnexion.

Une connexion au monde… qui commence par une confrontation.

Dans les modèles de l’Ennéagramme ou des typologies jungiennes (MBTI, CCTI, Golden…), tout commence par une préférence ou une réactivité : très tôt dans notre vie, nous optons pour « ce qui nous va le mieux ».
Cela peut être une question de confort ou d’énergie, comme pour croiser les bras ou les jambes ; cela peut aussi devenir un réflexe non conscient (« dans telle situation, je ne peux pas m’empêcher de… »).
Et tout ceci est bon, car cela nous donne une orientation : face à un monde chaotique et incompréhensible – d’autant plus incompréhensible que nous le découvrons avec nos yeux d’enfants – notre personne prend le parti d’un chemin en particulier.

Au fil des années, nous poursuivons cette spécialisation, la plupart du temps en affûtant nos outils : cela peut être l’intuition, qui se nourrit de signaux non visibles au niveau conscient ; il peut s’agir de notre manière d’interagir avec les autres, et notamment de ce qui nous pousse à aider, encourager, et parfois à pousser, notre entourage ; cela peut consister à utiliser le temps selon notre perception : ressource rare ou réservoir abondant ? Facteur de surprise ou source de dangers ?

Peu à peu, au fil des années et de nos interconnexions avec le monde qui nous entoure, notre personnalité s’affine et se muscle, et elle commence à être visible de l’extérieur. Certains proches nous mettent dans des cases ou nous affublent d’étiquettes (« ta soeur est diplomate, alors que toi, tu es
créatif
»), et cela peut nous énerver… même si, en fait, nous avons choisi nous-mêmes de nous spécialiser vers ces catégories.

« Qui fait l’ange fait la bête »
Pascal

La vie est un apprentissage !
Nos interactions avec les autres, nos succès, nos peurs, contribuent à nous formater. Notre spécialisation, nécessaire à notre survie, se poursuit avec le début de l’âge adulte : le choix et la durée de nos études, puis le choix d’un métier et d’un employeur, nous conditionnent à donner le meilleur de nous-mêmes, quelle que soit la forme que nous donnons à ce « meilleur ».

Certain(e)s l’appelleront loyauté, d’autres chercheront à se démarquer. Les rationnels ne feront confiance qu’à l’excellence de leur logique, tandis que les relationnels privilégieront l’harmonie.
Nous prenons peu à peu conscience de nos forces, et parfois aussi de nos manques. Cela peut être à l’occasion d’un conflit au travail, ou d’un manque d’empathie reproché par notre famille : face à ces manques, certain(e)s vont opposer une forme de déni, qu’il soit tourné vers l’extérieur (« les autres sont des cons ») ou l’intérieur (« je suis comme je suis et je ne vais pas changer maintenant », sous-entendu « après tous ces efforts pour en arriver là »).

C’est le moment où notre réflexe d’adaptation au monde passe progressivement de la spécialisation à la sur-spécialisation : d’armure amovible, la personnalité peut devenir un exosquelette rigide qui nous gêne aux entournures et nous empêche de bouger librement.

En dynamique jungienne, cela consiste à nous appuyer exclusivement sur notre cœur de personnalité (notre fonction dominante, épaulée par notre auxiliaire), qui a déjà fait ses preuves, et dans lequel nous sommes à l’aise ; dans l’Ennéagramme, cela consiste à avoir développé – le plus souvent inconsciemment – un ensemble d’attitudes, d’actions et de discours internalisés qui servent de mécanisme protecteur.

Dans les deux cas, cette évolution est rassurante, car elle nous permet de nous appuyer sur du connu, de l’éprouvé : parce que cela a marché pendant des années, pourquoi (et surtout, vers quoi) changer ?

Mais au fil du temps, il se dégage de l’ensemble une impression de fausseté, qui peut prendre deux formes : soit on devient la caricature de soi-même ; soit on lâche la proie pour l’ombre.

Cas #1 : On devient la caricature de sa personnalité.

Édouard est architecte. En typologie jungienne, il est INTJ. Arrivé à la quarantaine, il démontre les caractéristiques de sa personnalité : il a d’une part une Intuition tournée vers l’intérieur (Ni dominante), qui établit en permanence des liaisons et des connexions, et qui lui permet d’avoir une vision juste et à long terme de la voie dans laquelle s’engager.

Cette intuition travaille de pair avec sa fonction auxiliaire, un mode Pensée tourné vers l’extérieur (Te), qui lui permet de passer à l’action, en mettant en œuvre des solutions innovantes et visionnaires dans son métier, l’architecture.

Mais au fil du temps, Édouard perd en souplesse : alors qu’il pratiquait un humour à froid et distancié, il devient cassant, voire désagréable en face d’erreurs bénignes.
Il refuse désormais tout autre point de vue que le sien, tout persuadé qu’il est de la valeur de ses idées. Il s’ensuit que ses collaborateurs se sentent dévalorisés, non reconnus et qu’ils n’apprennent plus rien à ses côtés.

Et le stress inhérent à ce métier n’arrange rien : Édouard devient obsédé par les détails, au point qu’il consacre de longues heures à corriger des virgules plutôt que d’insuffler l’énergie qui permet de terminer les projets. Vu de l’extérieur, cet homme brillant et analytique apparaît de plus en plus comme un robot dysfonctionnel.

Cas #2 : On lâche la proie pour l’ombre.

Patricia a une base 8 en Ennéagramme.
Cette base est considérée comme étant une des personnalités les plus branchées à l’énergie vitale : Patricia agit spontanément, avec un réservoir de dynamisme apparemment inépuisable. Elle impose sa marque au monde !
Pourtant, sans s’en rendre compte, Patricia a commencé à perdre cette connexion à sa force première. Or, son énergie est un moteur autant qu’un besoin : c’est cela qui contribue à la définir dans sa mission. Aussi, face à l’inconfort de cette perte de connexion, Patricia a remplacé son sentiment naturel d’énergie par un discours : « il faut que je démontre ma force ».

C’est un peu comme s’il suffisait de vivre les conséquences de sa force pour pouvoir en apprécier la présence. Désormais, ce n’est plus un mouvement spontané et libre, c’est une posture qui va pousser Patricia à agir avant les autres, à aller à la confrontation ou à s’opposer… juste pour démontrer qu’elle le peut. Et cela n’aide en rien que ce changement se soit opéré de manière inconsciente : au contraire, cela va faciliter le déni.

Mais la connexion initiale étant rompue, la psyché de Patricia a mis en place un succédané, un « presque aussi bien » pour compenser… presque aussi bien.

Comme on le voit, la personnalité se raccroche à quelque chose : un système qui fonctionne de moins en moins bien, mais qui fonctionne tout de même, et qui offre la sécurité d’un domaine connu.

À ce niveau-là, on ne peut plus parler de développement, mais plutôt d’immobilisme personnel… Un peu comme un wagon qui serait accroché à la mauvaise locomotive, il nous faut trouver un aiguillage, voire une plate-forme de triage, vers une meilleure direction.
Voici venu le moment de la re-connexion, qui s’opère avant tout dans le monde intérieur, avec l’aide du monde extérieur.
Il est intéressant de noter que les modèles qui ont notre préférence (MBTI, Ennéagramme), bien que complémentaires, préconisent exactement la même démarche : aller chercher en interne une connexion perdue, en s’appuyant ensuite sur l’aide du monde externe.

La fonction inférieure et l’ombre jungienne

Notre spécialisation de première moitié de vie a été indispensable pour trouver notre place, mais elle a été sélective : c’est le principe d’une spécialisation que de refuser certaines voies de développement.

Or, tout ce qui nous arrive est rangé, parfois en ordre (étiqueté, mis sur la bonne étagère, accessible à tout moment de manière consciente), parfois en vrac (rangé dans le fourre-tout de l’inconscient, mal dégrossi… mais néanmoins présent).
Et la nature humaine aime l’équilibre : pendant que le conscient gagne du terrain – et des succès – dans le monde extérieur grâce à sa spécialisation, l’inconscient trace des petits bâtons dans sa cellule et il assemble ses troupes.
Au point de rupture de l’équilibre, au moment où le pendule s’arrête en bout de course, il suffit d’une goutte d’eau pour qu’il reparte… dans l’autre sens, avec une vitesse d’autant plus forte qu’il aura été mené haut dans la première direction.

En typologie jungienne, toute fonction consciente a donc comme pendant une fonction de l’ombre : pour la première, les projecteurs de la scène et les spectateurs du monde extérieur ; pour la seconde, l’obscurité du fond de la grotte… jusqu’au moment où le ramdam du chasseur à l’extérieur fait sortir
l’ours de son hibernation. Et ça tombe mal, car l’ours a faim et il n’est pas accessible à la raison.
Comment faire pour éviter cette catastrophe, ce retour de bâton ?

Nourrir son ombre pour restaurer l’équilibre

En nourrissant régulièrement l’ours !

Nourrir son ombre consiste à explorer doucement la grotte, à repérer les fonctions de l’ombre refoulées, et non pas à les mettre au jour (ce n’est ni possible, ni souhaitable), mais à les nourrir pour qu’elles prennent leur juste place.
C’est donc une reconnexion intérieure dans un premier temps, puis un apport du monde extérieur pour la nourriture.
Dans le cas d’Édouard l’architecte, il est probable qu’une activité manuelle, régulière mais à dose thérapeutique (2 heures par semaine plutôt que 2 heures par jour…) permettrait de rééquilibrer sa psyché : la personnalité s’enrichit des fonctions de l’ombre, elle n’est donc plus une caricature en deux dimensions, et les irruptions de l’ombre sous stress sont moins violentes et plus prévisibles – car un ours nourri est de meilleure composition qu’un ours affamé !

Les faux messages de l’ego et la reconnexion à l’essence

Selon le modèle de l’Ennéagramme, nous sommes connectés à des qualités supérieures, mais la vie fait que nous avons perdu cette connexion.

Comme dans l’exemple de Patricia (base 8), nous mettons alors en place une personnalité de réconfort qui vise à retrouver une partie de ce paradis perdu.

Cette personnalité de réconfort se fonde sur un discours dégradé de la qualité supérieure initiale : dans l’exemple de Patricia, l’énergie abondante et toujours disponible était remplacée par un discours : « il faut que je montre ma force » avec quantité de sous-ramifications (par exemple « … pour éviter de me retrouver en situation de faiblesse »).

La reconnexion à l’état originel passe à nouveau par un double chemin : intérieur et extérieur.
Comme dans le cas des dynamiques jungiennes, le chemin intérieur est le plus important, car c’est le premier dans l’ordre – et c’est souvent le plus difficile. Se reconnecter au monde intérieur se fera de différentes manières, en fonction du centre de notre base.

La reconnexion du centre instinctif

Les bases 8, 9 et 1, qui font partie du centre instinctif, chercheront à se reconnecter à leur énergie vitale pure, qui constitue une bien meilleure version que celle transmise par le discours de l’ego.

Par exemple, la base 1 a son faux discours : « si je ne maîtrise pas mon énergie, elle pourra m’entraîner à faire de mauvaises choses ». Mais la prise de conscience de la bonne énergie (sentir l’alignement de toutes les choses et les actes, sans avoir à porter la charge de tout ce qui va mal) permet de se libérer de ce discours égotique.
C’est là où le monde extérieur peut aider les bases 1 dans leur démarche de développement : voir la nature, marcher en forêt, observer l’univers permet de constater toute cette (im)perfection à l’état naturel : qui pourrait décider qu’une fougère dans la forêt doit être dotée d’un tuteur pour pouvoir pousser plus droit ?!

La reconnexion du centre émotionnel

Les bases 2, 3 et 4, qui font partie du centre émotionnel, chercheront à se reconnecter à une émotion oubliée – ou inconsciemment enfouie – qui qualifie notre relation aux autres. Cette re-connexion se fera le plus souvent par une négation du discours de la base.

Par exemple, une base 2, qui a tendance à faire passer les besoins des autres avant les siens, apprendra à dire non, et à observer l’émotion qui est déclenchée lors de cette confrontation.
Ici aussi, le travail sera autant intérieur qu’extérieur. Le monde alentour peut nous offrir des occasions d’observation ou de mise en situation, pour voir ce qui se déclenche vraiment en nous.

La reconnexion du centre mental

Les bases du centre mental, soit les bases 5, 6 et 7, sont préoccupées par leur sécurité et des problématiques d’indépendance. Elles sont en mouvement mental permanent (approfondissement ou élargissement), et il convient de les ancrer dans le moment présent.

La reconnexion peut se faire par le physique (méditation, tai chi chuan, sophrologie), ou bien par l’émotionnel : par exemple, quand surgit un sentiment de vide ou d’angoisse, essayer d’y rester plutôt que de s’en échapper automatiquement par le mental.

La question n’est pas de se forcer à souffrir : il s’agit plutôt d’accepter de vivre des sensations désagréables (angoisse, sentiment de perte ou de souffrance) suffisamment longtemps pour voir que ces moments peuvent être vécus et observés, au lieu d’être systématiquement fuis.

En conclusion, le voyage d’une vie

Notre vie se passe en alternance entre une connexion au monde, voire une hyper-connexion à ce qui nous entoure, et une déconnexion de nos besoins profonds.
Après avoir découvert le monde et ses richesses, en essayant de nous faire une place à l’extérieur, nous réalisons que le vrai voyage devient intérieur. Il s’agit maintenant de trouver la place que nous nous donnons.
Paradoxalement, cette connexion à soi-même n’est pas la plus facile… mais à coup sûr c’est la plus authentique. <∫>

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